Culture de gingembre dans le kénédougou : une filière porteuse dans les communes de Koloko et Kangala (Sidwaya)

décembre 6th, 2023 | par afriktilgre@
Culture de gingembre dans le kénédougou : une filière porteuse dans les communes de Koloko et Kangala (Sidwaya)
Agro-pastoral
0

La culture du gingembre a connu un regain d’intérêt ces dernières années dans la province du Kénédougou. Dans les communes de Koloko et de Kangala, plusieurs milliers de tonnes de gingembre sont produites chaque saison humide, constituant ainsi une source de revenus substantiels pour de nombreux acteurs de la production, la transformation et la commercialisation. Cependant, le secteur rencontre quelques difficultés comme l’inorganisation du marché, le manque de semences améliorées, les maladies des plantes, les prix bas et la non-maitrise des techniques culturales.

Appelé « Gnamakou » en langue dioula, le gingembre est l’une des cultures phares dans la province du Kénédougou, frontalière avec le Mali, depuis plusieurs années. Planté entre mi-mars et mi-avril de chaque année, il est particulièrement cultivé dans deux communes rurales de la province : Koloko et Kangala. En cette matinée, du lundi 23 octobre 2023, une fine pluie vient d’arroser la cité de Koloko. C’est jour de marché. Il est 9 heures. La grande affluence habituelle n’est pas encore perceptible. Au siège de l’Union « Akili ten ni saaba », non loin du marché, un groupe de producteurs devisent sur l’organisation de la filière. Cette coopérative intègre neuf groupements villageois repartis dans les communes de Koloko et de Kangala.

Sa mission principale : promouvoir le gingembre. Dans la localité, les producteurs ne cachent pas leur satisfaction de leurs moissons. « A Koloko, la production de gingembre est très forte », précise le président de l’union, Sibiri Traoré. Et d’ajouter que la culture du gingembre constitue une source de revenus pour de nombreuses familles dont les 365 membres de l’union. A cela, il ajoute les emplois indirects et les acteurs de la commercialisation et de la transformation. Attaché d’administration scolaire, Justin Hamidou Héma, par ailleurs producteur de gingembre, soutient que la filière se porte bien au regard de l’engouement des acteurs autour de cette activité avec plusieurs superficies emblavées. « J’exploite pour cette campagne, un site de 0,75 ha qui pourrait m’apporter un million F CFA », dit-il.

20 000 tonnes par an à Kangala

Dans la commune de Kangala, les villages de Kangala, Sayaga, Bama, Kotoura et Mahon sont aussi réputés être des producteurs de gingembre. Nous sommes à Kotoura (3 km de Kangala), sous un soleil de plomb, dans la cour du vieux Nadon Konaté, un grand producteur de gingembre bien connu dans le milieu. Agé de 68 ans, Nadon Konaté évolue dans le secteur depuis plusieurs décennies. Selon lui, la filière se porte bien et nourrit son homme. « Par an, je peux vendre 8 à 9, sinon 10 tonnes de gingembre », confie le sexagénaire. Malgré les prix qu’il juge « dérisoires », le vieux Nadon dit ne rien craindre. « L’année dernière, j’ai vendu 9 tonnes de gingembre et cela m’a permis d’acheter une voiture. A mon actif, j’ai 10 motos et 9 maisons en matériaux définitifs construites pour ma famille. Tout cela grâce au gingembre », déclare-t-il.

A en croire Alimata Dramé, cheffe de service départemental en charge de l’agriculture et des aménagements hydro-agricoles et de la mécanisation de Kangala, avec quelques 20 000 tonnes par an, la commune dépasserait légèrement celle de Koloko en matière de production de gingembre. Cet engouement fait dire au directeur provincial en charge de l’agriculture du Kénédougou, Gassi Lougué, que le gingembre constitue l’une des principales sources de revenus de nombreux producteurs. « Ces revenus contribuent à la scolarisation des enfants, à l’achat d’intrants agricoles », affirme-t-il.

Transformer pour accroître les revenus

Pour accroitre leurs revenus, des femmes de Koloko s’adonnent à la transformation du gingembre en produits dérivés. Dans l’enceinte du siège de l’Union “Akili ten ni saaba” se trouve une bâtisse servant d’unité de transformation. Fatou Traoré et Fatoumata Traoré sont des employées de cette unité modestement équipée. « Notre mission ici consiste à transformer le gingembre en produits dérivés. Nous en faisons du sirop, des jus et des chips », explique Fatou Traoré. Sa collègue, Fatoumata Traoré, renchérit. « C’est une panoplie de produits que nous offrons aux consommateurs, mais le marché fait défaut », déplore-t-elle. Dans cette unité de transformation, la bouteille de sirop de gingembre coûte 2 000 F CFA et pour un sachet en poudre de 100 grammes (g), il faut débourser 500 F, contre 600 F pour 80 g de chips.

Dame Traoré précise également que la seule période favorable pour elles, c’est celle du carême musulman. La transformation n’est pas la seule activité exercée par les femmes, il y a aussi la commercialisation des gousses et des produits dérivés. Safoura Diabaté tire sa pitance dans la vente du gingembre en poudre et en gousse. « Quand le marché est bon, je peux avoir 20 000 F CFA par mois, sinon plus », affirme-t-elle. Sata Barro mène la même activité. Elle vend le sachet en poudre à 500 F et le seau de gingembre en gousse à 1 500 F. Le sac de 100 kg varie entre 17 500 et 20 000 F. Son chiffre d’affaires mensuel, confie-t-elle, est de 15 000 F CFA. « Les bénéfices que je tire de cette activité me permettent de soutenir mon époux dans la scolarisation des enfants », dit Mme Barro qui précise que le manque de clients constitue sa principale inquiétude.

« Nous avons la meilleure qualité de gingembre »

Yacouba Traoré est un commerçant grossiste de gingembre au marché de Koloko. Il mène cette activité depuis une décennie. Dans son magasin sont stockés des sacs de 100 kg de gingembre entreposés pêle-mêle et qu’il s’apprête à convoyer à Bobo-Dioulasso. « Nous avons la meilleure qualité de gingembre. Nous le convoyons à Bobo-Dioulasso, au Mali, en Guinée et au Sénégal. Ici, le véritable problème pour nous, c’est la mévente », déplore-t-il. Selon lui, le gingembre n’a pas de prix de vente fixé et respecté de tous, la vente se faisant directement aux détaillants et aux grossistes venus des grandes villes du Burkina Faso (Orodara, Bobo-Dioulasso et Ouagadougou) aux prix variables entre 125 et 500 F CFA le kilogramme en fonction des périodes et des années.

On estime à 200, le nombre d’acteurs qui interviennent dans cette filière vente du gingembre. Aux dires du Président de la délégation spéciale (PDS) de la commune de Koloko, Yamba Yaméogo, tous ces éléments montrent que le gingembre a des retombées économiques en termes de revenus pour les acteurs de la commune. Ce qui contribue, dit-il, à la lutte contre le chômage, la pauvreté, l’exode rural et participe au bien-être de la population. Au niveau de la taxation, M. Yaméogo fait savoir que de façon générale, les produits agricoles dont le gingembre sont exonérés. Aux dires du PDS de Kangala, Désiré Luc Hien, il existe une taxe relative à cette filière dénommée certificat d’origine, mais la commune rencontre des difficultés pour la recouvrer.

Des balbutiements « incompréhensibles »

La mévente est l’une des « angoisses » des producteurs de gingembre de la province. Pour le président Traoré de l’Union “Akili ten ni saaba”, la production est largement au-dessus de la demande. « On produit beaucoup, mais il n’y a pas de preneurs », se lamente-t-il. Un autre membre du bureau de l’union, Daouda Traoré, pointe un doigt accusateur sur la faiblesse des prix d’achat. « Nous produisons mais les prix de vente sont dérisoires. Présentement, nous faisons de la vente précoce pour pouvoir payer la scolarité de nos enfants sinon les prix sont très bas », se désole-t-il. Tout en reconnaissant les efforts du gouvernement et de ses partenaires, Sibiri Traoré et ses camarades évoquent ainsi de nombreuses difficultés comme le manque de débouchés, le problème d’intrants agricoles et l’insuffisance d’unités de transformation.

Il estime également que des améliorations doivent être apportées à cette filière afin de mieux répondre aux exigences du marché qui demande des produits bio et de bonne qualité. Omer Didier Yaméogo est consultant et directeur du Bureau d’études Indices services. Rencontré au détour d’une mission à Boromo dans les Balés, il confie avoir été recruté par un partenaire pour accompagner l’organisation de la filière gingembre dans le cadre de l’élaboration d’un plan de développement commercial et marketing. Aux dires de M. Yaméogo, le gingembre de Koloko est « de bonne qualité et très apprécié ». Cependant, note-t-il, « c’est un secteur méconnu du public. Peu de gens savent qu’on peut produire du gingembre en aussi grande quantité à Koloko », indique l’expert.

Face à la mévente de la production, M. Yaméogo recommande que la filière soit mieux organisée. Ancien gestionnaire, comptable et commercial de l’Union “Akili ten ni saaba”, Ardjouma Soulama, précise que cette structure avait bénéficié d’un financement de l’Agence américaine pour le développement international (USAID) pour renforcer les capacités de ses membres et élaborer un plan commercial et de marketing. Il se dit surpris de constater jusque-là, des « balbutiements » en matière de commercialisation du gingembre. « On a bénéficié de pas mal de formations dans les domaines de la technique de transformation, de conservation de gingembre et la formation en marketing. Avec toutes ces formations reçues, je n’arrive pas à comprendre pourquoi ça ne décolle toujours pas », s’interroge-t-il.

Un suivi-appui-conseil des producteurs

Selon Justin Hamidou Héma, des dispositions doivent être tout de même prises pour accompagner la dynamique de développement de la filière. Il propose entre autres, l’élaboration de fiches techniques pour la production afin de faciliter la maitrise de bonnes pratiques culturales, l’accompagnement des producteurs dans l’acquisition de moyens de production et la valorisation de leurs produits dans les domaines de la commercialisation et de la transformation. Pour leur part, les membres de l’Union recommandent que l’État interdise l’importation du gingembre pour permettre aux producteurs d’écouler leurs produits sur le marché national. Le vice-président du Conseil villageois de développement (CVD) de Kotoura, Saibou Traoré, souhaite, quant à lui, la création d’unités de transformation pour permettre aux producteurs de transformer leurs produits.

Ces préoccupations sont légitimes, foi du directeur provincial de l’Agriculture du Kénédougou, Gassi Lougué. Il informe que pour les juguler, le département a désigné le gingembre comme filière porteuse et l’accompagne à travers le suivi-appui-conseil des producteurs par les techniciens de l’agriculture au niveau déconcentré. Ces accompagnements, dit-il, ont porté entre autres sur la structuration des acteurs de la production en Sociétés coopératives (SCOOPS) et en unions. A cela, il ajoute la vulgarisation de bonnes pratiques de production, l’organisation de journées promotionnelles du gingembre et la dotation en équipement de transformation (four de séchage).

Source : sidwaya.info

Apollinaire KAM Kam

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *