A Sagala, village de la commune de Dédougou, dans le Nord-Ouest du Burkina Faso, Olivier Paré entretient depuis 13 ans une forêt vierge de 11 hectares, comme la prunelle de ses yeux. Incompris et combattu au départ par les riverains qui voulaient y faire paîtrent les animaux. Malgré les vents contraires, l’agripreneur autodidacte à force de persévérance a fini par convaincre du bien fondé de son engagement au profit de l’environnement. Aujourd’hui, sa forêt est devenue un sanctuaire de recherche pour des étudiants et des chercheurs mais aussi, un modèle pour sa communauté. Fonctionnant sans réel soutien, le mordu de la protection de l’environnement ne désespère pas. Il compte plutôt laisser à la postérité un héritage vert. Le 26 janvier 2022, rencontre avec le quinquagénaire au sang chlorophyllé pour mieux apprendre de son combat.
Le jour se lève sur les 11 hectares de forêt de Olivier Paré où s’entremêlent le doux parfum des fleurs, le cri des animaux, la diversité animale et végétale. Ce mardi 26 janvier 2022 nous y étions de bonne heure, dans cette forêt vieille de 13 ans, située à Sagala aux abords de la route nationale numéro 10 (sur l’axe Dédougou-Bobo Dioulasso).
A l’entame de la visite, l’entrepreneur agricole raconte avec passion l’histoire de son espace. « J’ai eu le déclic de mon père qui disait, celui qui préserve une forêt ou un arbre n’est pas loin de Dieu. Très vite je me suis rendu compte qu’on ne peut pas faire de l’agriculture et de l’élevage sans la forêt, puisque ce sont les arbres qui font venir la pluie et fertilisent le sol. Lorsque j’ai hérité des terres de mon paternel (environ 24 hectares), je me suis dit que je pouvais conserver 11 hectares pour en faire une réserve naturelle. », explique-t-il.
La forêt de ce quinquagénaire est un véritable « melting-pot » sauvage. On y retrouve une grande diversité d’espèces végétales et animales comme le Vitellaria Paradoxa ( karité), le Parkia Biglobosa ( Néré), des lièvres etc. Olivier Paré s’est auto-formé et a approché des personnes ressources pour la réussite de son projet. Il a surtout adopté la méthode de la gouvernance par l’exemple pour bénéficier de l’accompagnement des populations riveraines qui avaient du mal à comprendre le sens de son combat.
La ferme de Mr Paré est en effet entourée par trois villages que sont Kamandena, Kouka Tinga et Sagala. « La vraie stratégie de séduction c’est d’être irréprochable. J’ai commencé moi-même à faire de telle sorte que mes animaux n’entrent pas dans la forêt. Comme mes animaux ne rentrent pas, il est difficile pour une autre personne de faire rentrer les siens. », confie-t-il. Une approche qui a visiblement porté ses fruits. Les riverains qui voyaient son espace comme un excellent lieu de pâturage et de chasse lui prêtent désormais main forte pour sa protection.
« Souvent nous rôdons autour de la forêt pour empêcher les animaux d’y entrer. Nous demandons aussi aux gens d’aller ailleurs pour chercher le bois. J’arrive à augmenter mon gain, grâce aux termites que je prélève dans la forêt pour nourrir mes poulets. Cette forêt nous est vraiment bénéfique. », témoigne Issa Rabolem, habitant de Kouka Tinga.
« Il y a des plantes médicinales dans cette forêt. Elles soignent vieux et enfants. », ajoute Bibata Rouamba. La cinquantaine bien sonnée, elle reconnait que c’est parce que la forêt est protégée qu’elle existe toujours.
Olivier Paré assure qu’aujourd’hui, sa forêt est devenue un sanctuaire de recherche pour des étudiants et des chercheurs. Ce n’est pas l’Association Estudiantine pour la Sauvegarde Environnementale (AESE) qui dira le contraire. Son président Albert Tankoano s’est incliné devant le travail déjà abattu, avant de souligner que « cette forêt est un cadre de référence pour les activités agricoles et pastorales. ».
Après une pause d’un quart-heure sous l’ombre bienveillante d’un karitier, Olivier Paré explique son vœu le plus cher : parfaire son projet pour en faire un biotope ou y trouve tout type d’espèce animal et végétal. Mais là où le bât blesse, les mécanismes de financement dans le domaine environnemental ne prennent pas suffisamment en compte les initiatives privées. Une grosse épine aux pieds de cet homme qui a dépensé près de dix-sept (17) millions de F CFA pour sécuriser sa réserve verte.
À défaut de financement, notre sylviculteur se contente de distinctions honorifiques. En 2014 il a été lauréat du grand prix du secteur informel. La même année, le gouvernorat de la région de la Boucle du Mouhoun l’a désigné meilleur entrepreneur juvénile. Il détient aussi le titre de meilleur innovateur en matière de production fourragère du premier salon de l’élevage du Burkina Faso. Pour boucler la boucle, Olivier Paré a été fait chevalier de l’ordre du mérite du développement rural avec agrafe élevage.
L’arbre ne devant pas cacher la forêt, l’homme de Sagala demande plus de sérieux de la part des autorités Burkinabè, en matière de protection de l’environnement. « Aujourd’hui nos décideurs appellent les jeunes à investir dans la préservation de l’environnement. Beaucoup de gens comme moi écoutent et s’investissent effectivement. Mais vous verrez que personne ne revient pour nous encourager, souvent ça décourage. », se plaint-il.
A l’issue d’une riche demi-journée passée avec Mr Paré, nous avons mis le voile sur la Direction provinciale de la Transition Écologique et de l’Environnement du Mouhoun. Une fois sur place, Brahma Ouattara, premier responsable des lieux, nous fera comprendre que des échanges ont été menés avec Olivier Paré pour inventorier toutes les espèces de sa forêt, afin de mieux assurer la protection.
Déplorant aussi l’exclusion des particuliers dans les financements réservés au secteur de l’environnement, Brahma Ouattara a souhaité que la tendance puisse être inversée, au grand bonheur de tous ceux qui mènent un vrai combat pour la sauvegarde de la biodiversité.
Sougrinoma Ismaël Gansore
avec la participation de Fernand Appia