Commerce illégal des ânes au Burkina : Coutumiers, religieux et OSC réunis pour stopper l’hémorragie

mai 12th, 2022 | par afriktilgre@
Commerce illégal des ânes au Burkina : Coutumiers, religieux et OSC réunis pour stopper l’hémorragie
Agro-pastoral
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Que ce soit dans le transport des biens et des personnes, les travaux ménagers et champêtres, les ânes sont des équidés de trait essentiels à la survie de milliers de personnes au Burkina Faso. D’ailleurs les ménages qui n’en possèdent pas voient leurs rendements de maïs et d’arachides diminuer respectivement de 52% et de 64%. Malgré leur apport dans l’amélioration des conditions de vie des familles, les ânes continuent d’être abattus ou vendus massivement à Guelwongo, localité située à la frontière entre le Burkina et le Ghana, et dans d’autres localités dans les environs. Pour faire face à cette extermination programmée de l’espèce asine, des leaders religieux, coutumiers et de la société civile ont été invités à joindre leurs voies au combat de l’ONG Brooke Afrique de l’Ouest et ses partenaires Inades Formation-Burkina et APIL. C’était du jeudi 5 au vendredi 6 mai, au cours d’un atelier à Ouagadougou.

Les participants à l’atelier ont suivi avec beaucoup d’intérêt les différents travaux.

A propos de bienséance envers les animaux, le prophète Muhammad ( saws) a dit dans un hadith « Ne prenez pas le dos de vos montures comme des chaires. Dieu ne vous a assujetti ces montures que pour qu’elles vous transportent jusque-là ou vous ne pourriez parvenir que difficilement. ». La sainte bible également fait l’apologie du bien-être animal. Exode 23, 12 : « Pendant six jours tu feras tes travaux, et le septième jour tu chômeras, afin que se reposent ton bœuf et ton âne et que reprennent souffle le fils de ta servante ainsi que l’étranger. ». Dans plusieurs ethnies du Burkina Faso, chez les mossis notamment, des parents sont contraints de baptiser leur progéniture avec le nom d’un animal spécifique, pour se faire pardonner des actes de violences commis sur ce dernier. Ces différentes prescriptions montrent à souhait le devoir pour tout être-humain de se départir des mauvais traitements infligés aux animaux.

Brooke Afrique de l’Ouest et ses partenaires conjuguent leurs efforts pour éviter une disparition des ânes dans nos villes/villages.

Les 5 et 6 mai 2022, des chefs coutumiers et religieux venus des régions du Plateau central et du Centre-nord, des représentants d’organisations de la société civile, des journalistes ont d’entrée de jeu pris connaissance avec la  contribution sociale et économique des ânes au « Pays des Hommes intègres ». En effet, Dr Mactar Seck Program Manager à Brooke Afrique de l’Ouest a laissé entendre que, l’utilisation des ânes dans l’activité agricole aide les paysans à booster de 52% leurs productions de maïs et 64% la production d’arachide. Il a ajouté que l’âne offre une meilleure autogestion et une relative indépendance financière à la femme, la femme rurale en particulier, puisqu’il demeure incontournable dans la plupart de ses activités : le transport au marché pour son commerce, l’approvisionnement en eau de boisson, en bois de chauffe pour la famille etc.

Dr Mactar Seck en pleine communication.

             La perte d’un âne dans une famille peut créer un déséquilibre  

A ce propos, Justine Soé conviée à l’atelier pour témoigner de sa traversée du désert après la perte de son âne raconte : « Avant quand j’avais à ma disposition un âne, mes cinq enfants et moi cultivions sans attendre l’aide d’une tierce personne. L’âne m’aidait aussi dans l’approvisionnement en bois de chauffe et en eau pour ma famille et mon activité de briquetier. J’arrivais aussi à pratiquer mon commerce sans souci majeur. L’argent que je récoltais grâce à ses différentes activités me permettait de scolariser mes enfants et subvenir à leurs besoins. Mais depuis la mort de notre âne, c’est la « descente aux enfers ». Trois de mes enfants ont dû abandonner les études, faute de moyens. Actuellement je suis contraint de ramasser du sable pour aider ma famille à survivre. Depuis deux ans, notre niveau de vie a dégringolé, c’est la misère pour faire court. J’ai failli perdre un de mes enfants pour cause de maladie dans cette situation de précarité due à  la perte de notre âne. Fort heureusement, le personnel sanitaire de mon village a pu finalement la sauver. ».

L’histoire de Justine Soé a attristé plus d’une personne dans la salle.

Dr Mactar Seck a fait savoir dans sa communication au cours de l’atelier que chaque semaine, 2500 ânes achetés dans différents villages puis convoyés à Guelwongo sont abattus dans 25 abattoirs en plein air situés sur le corridor Burkina-Ghana.  Cette pratique perdure depuis des années, malgré le décret 857 du 7 septembre 2016 règlementant l’abattage et l’exportation des asins et de leurs produits.

Touché par les différentes informations et témoignages reçus dès le premier jour de l’atelier, Etienne Consimbo catéchiste à Guilingou (village situé dans la région du plateau central) confie  avoir déjà aménagé un enclos en grillage pour mieux protéger son ânesse et son petit.  Il a poursuivi en indiquant qu’il compte sensibiliser son entourage sur la nécessité de préserver l’espèce asine, en étant lui-même un exemple sur le bien-être des ânes dans sa localité.

Etienne Consimbo catéchiste à Guilingou (village situé dans la région du plateau central).

Imam Alidou Ilboudo du Centre Culturel Islamique du Burkina (CCIB) a pour sa part invité l’ONG Brooke et ses partenaires à porter le plaidoyer à un plus haut niveau, pour toucher les grands imams. Emmanuel Bouré Sarr Directeur Régional Brooke Afrique de l’Ouest a en définitive souhaité que ces leaders religieux, communautaires et de la société civile fassent prendre conscience que la disparition de l’âne rime avec souffrance pour  « nos communautés ». « Est-ce qu’il y’a un équilibre entre 90 000 F CFA ou 100 000 F CFA qu’on  reçoit d’un coup et la valeur de l’âne sur 10 ans ou 15 ans ? Il faudra que les gens prennent conscience de cette réalité. », explique Emmanuel Bouré Sarr.

Les membres de la Coalition pour la Préservation de l’espèce asine en Afrique de l’Ouest ont signé, à la fin de l’atelier, une déclaration commune.

 Il faut noter que la fin des deux jours d’atelier a été sanctionnée par la signature de la déclaration de la Coalition pour la Préservation de l’espèce asine en Afrique de l’Ouest. Cette déclaration invite les États Africains à interdire le commerce des ânes.

Sougrinoma Ismaël GANSORE

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