Windlasida Florence Kaboré, Responsable de Faso Attiéké : « Faso Attiéké n’a rien labellisé, mais a protégé le nom commercial auprès de l’OAPI en 2011 »

décembre 12th, 2019 | par afriktilgre@
Windlasida Florence Kaboré, Responsable de Faso Attiéké : « Faso Attiéké n’a rien labellisé, mais a protégé le nom commercial auprès de l’OAPI en 2011 »
Agroalimentaire
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De Secrétaire de direction à Responsable de Faso Attiéké, découvrez l’histoire de Windlasida Florence Bassono / Kaboré et de son entreprise. Une femme qui, en plus de produire et de commercialiser de l’attiéké de qualité pour les Burkinabè, veut à travers Faso Attiéké créer des emplois pour les jeunes et surtout pour les femmes défavorisées en milieu rural.

Afriktilgre : Présentez aux Burkinabè l’entreprise Faso Attiéké qui est aujourd’hui une fierté nationale

Windlasida Florence Bassono / Kaboré : Faso Attiéké est une unité de production et de commercialisation de l’attiéké qui est une semoule de manioc fermentée cuite à la vapeur. Nous l’avons créée en 2010 avec trois (3) emplois et une production de 15 tonnes d’attiéké. Aujourd’hui, avec l’appui des partenaires nous sommes à 42 emplois permanents dont 37 femmes avec une production de 539 tonnes d’attiéké en 2018.

En marge de Faso Attiéké, nous avons la Coopérative de Transformatrices de Produits Agricoles (CTPA Wendkuuni). C’était un groupement qui est devenu une coopérative en 2018. Elle travaille avec près de 500 femmes en milieu rural pour la production et la transformation du manioc, des produits forestiers non ligneux et d’autres produits agricoles.

D’où vous est venue l’idée de créer Faso Attiéké sachant bien que vous occupez à la base un poste dans une entreprise ?

Avant tout, je suis une Secrétaire de direction de formation qui a viré totalement dans l’entrepreneuriat depuis 2016. La fibre entrepreneuriale était cachée en moi depuis toute petite. C’est plus tard en 2009, quand j’ai été menacé de licenciement que j’ai commencé à réfléchir sur une idée d’entreprise pour éviter de subir les humeurs d’un employeur. En tant que secrétaire de direction, l’idée qui est venue directement c’est d’ouvrir un secrétariat public. Mais après réflexion, j’ai dit si j’ouvre un secrétariat public, je ne pourrai embaucher que 3 à 5 personnes. Alors que moi, j’ai toujours eu envie d’être l’avocate des femmes défavorisées à ma manière. Au motif que j’ai beaucoup grandi en milieu rural avec des parents enseignants qui étaient affectés de village en village.

Également, j’avais cette envie de contribuer à la sécurité alimentaire parce qu’étant au village, il y a des périodes par exemple où la tomate est abondante et pourrie, il en est de même pour l’oignon et la maman a pris l’habitude de sécher tous ces légumes, alors qu’à une certaine période de l’année, ces produits manquent. J’ai grandi dans ce milieu et quand l’idée d’entreprendre est venue, le secrétariat je l’ai écarté. J’ai même essayé l’achat-revente mais cela n’a pas marché.

J’ai transité ensuite dans un programme de développement de l’agriculture et à la descente un soir, j’ai vu de l’attiéké qui était encore tout chaud. Alors que je revenais de la Côte d’Ivoire où j’avais acheté les articles pour revendre, j’ai vu comment l’on maltraitait l’attiéké sur la route. J’ai dit plus jamais je ne mangerai de l’attiéké. Mais quand j’ai vu l’attiéké chaud, je me suis dit que l’on peut bien produire l’attiéké au Burkina Faso. C’est de là qu’est venue la création de l’unité Faso Attiéké.

Quelles sont les différentes qualités d’attiékés que vous produisez ?

Nous avons l’attiéké simple que les gens appellent communément Garba. Mais nous l’appelons ici attiéké simple. C’est l’attiéké produit en vrac. Il y a également l’Abodjama dont les grains sont uniformes et l’attiéké séché que nombreuses personnes envoient à leurs parents qui sont très loin

Une femme à la tache dans l’usine de production de Faso Attieke

Doù proviennent les produits servants à la production de Faso Attiéké ?

Quand nous avons commencé à transformer le manioc, la pâte de manioc était importée de la Cote d’Ivoire. Nous étions confrontés au problème d’approvisionnement. Autant il y a rupture ou la qualité est très variante. Nous avons tout de suite vu qu’il fallait sécuriser cet approvisionnement pour ne pas dépendre de l’importation qui est aléatoire. Ainsi, à travers la coopérative nous avons organisé les femmes mais aussi, les petits producteurs en milieu rural à Kyon. Les femmes de Kyon ont même reçu un bâtiment en 2018. Il a été en partie financé par le projet PAPF/DGM de la banque mondiale avecl’UICN. Les petits producteurs ont étés formés sur la production des boutures, du compost et de son utilisation pour pouvoir approvisionner cette unité. Nous venons aussi d’organiser 160 femmes à Thiao pour la production du manioc. Il y a la matière première qui vient du Burkina Faso et une partie de l’importation. Mais, l’idée est d’être indépendant de l’importation en mettant plus l’accent sur ce qui vient du Burkina Faso.

Quelle est votre capacité de production journalière d’attiéké et quels sont vos circuits de commercialisation ?

Nous produisons en moyenne 2 tonnes d’attiékés par jour. Pour ce qui est de la commercialisation, il y a des grossisses qui viennent en chercher et revendent dans les marchés et les yaars. Nous avons aussi un réseau de 7 distributrices qui assurent la distribution de l’attiéké. Il y a certaines personnes qui commandent à travers nos réseaux sociaux dont Facebook. Notre attiéké va partout et peu importe la ville à l’intérieur du pays dans lequel vous vous trouvez, vous pouvez avoir Faso Attiéké si vous en demandé. Ceux qui connaissent et ont déjà goûté, en veulent davantage à cause de la qualité que nous offrons à notre niveau.

A combien le consommateur peut-il acheter Faso Attiéké ?

Au début l’attiéké était considéré comme un produit pour les riches. Quand nous avons développé l’attiéké, l’objectif était de le rendre accessible à toutes les couches sociales et leur permettre de manger sain et facilement. Les consommateurs peuvent avoir l’attiéké simple à partir de 250F, l’agbodjama à partir de 350F, et l’attiéké séché à partir de 700F.

Vous avez reçu récemment le premier prix de la Fondation Pierre Castel en Côte d’Ivoire, pouvez-vous nous parler de cette récompense ?

La fondation Pierre Castel, à travers son fondateur Pierre Castel, s’est beaucoup attachée à l’Afrique. Il a donc voulu aider des jeunes entrepreneurs dans le domaine de l’agriculture, de l’agroalimentaire dont les projets ont un grand impact social, économique et environnemental. C’est dans ce sens qu’ils ont sélectionné le Burkina Faso, le Cameroun et la Côte d’Ivoire. Les compétitions se sont déroulées et nous avons été lauréat au niveau du Burkina Faso depuis le 02 Septembre 2009 et les prix ont été remis le 22 novembre à l’occasion du Salon international de l’Agriculture et des Ressources Animales d’Abidjan (SARA).

Florence Bassono a été lauréate du prix Pierre Castel

Que représente le prix de la Fondation Pierre Castel pour vous ?

Nous sommes d’abord heureux de ce que notre travail a été reconnu et récompensé. C’est une satisfaction et une grande joie pour nous et pour ces femmes qui travaillent matin et soir pour assurer l’alimentation et contribuer à la sécurité alimentaire au Burkina Faso. Ce prix nous valorise davantage, et nous donne du carburant pour mieux faire.

A quoi répond la labélisation de Faso Attiéké ?

Faso Attiéké n’a rien labellisé, mais a protégé le nom commercial auprès de l’OAPI en 2011. Nous nous en tenons au communiqué du ministère qui signifie que le Burkina n’a pas labellisé l’attiéké.

En dehors de l’attiéké, quels sont les produits que vous commercialisez sur le marché ?

Faso Attiéké produit l’attiéké et tous les produits dérivés du manioc. Notamment la farine de manioc, le Placali que les femmes achètent pour préparer le tô, l’amidon, le Duêguê à base de manioc, etc. Mais, au sein de la coopérative vous trouverez des produits des membres CTPA Wendkuuni. Il s’agit du Soumbala, des épices, des grumeaux de bouillie à base de céréales (maïs, petit mil, sorgho), des graines et la poudre de moringa, du beurre de Karité, etc. Par moment, il y a les membres en milieu rural qui nous envoient les feuilles de bissap, le tamarin, et autres produits forestiers que nous écoulons pour elles.

Quelles sont les difficultés que rencontre votre entreprise Faso Attiéké ?

Nous rencontrons des difficultés dans la gestion des eaux usées et dans le transport de notre matière première. Quand vous ne maitrisez pas le circuit et n’êtes pas autonome vous dépendez des gens qui transportent la matière première quand ils ont le temps. Cette situation créée beaucoup de poches de rupture de notre matière première. A cela s’ajoute, la difficulté à trouver un crédit qui va nous permettre de travailler. Nous avons fait notre plan d’affaire qui est un projet de près de 2 milliards mais nous n’avons pas de garantie solide pour pouvoir avoir ce crédit auprès des structures de financement donc, c’est un gros problème.

Quelles sont vos perspectives pour mieux développer votre activité ?

Nous avons avec la CTPA Wendkuuni des ambitions communes qui est de contribuer à la création d’emploi pour les jeunes et surtout pour les femmes défavorisées en milieu rural à travers la mise en œuvre de notre projet de développement. Un projet qui consiste à avoir davantage de terrains pour parceller et donner aux femmes qui vont produire elles-mêmes du manioc et le transformer. Aux superficies qui devront être irrigués et sécurisés, s’ajoute la formation des producteurs pour avoir du manioc bio de bonne qualité. A notre niveau, nous avons besoin d’un site propre à nous, industrialiser notre production et créer encore plus d’emplois. Ce projet s’il est financé, va créer à termes 1982 emplois permanents.

Aussi, nous voulons contribuer à la lutte contre le changement climatique à travers la préservation de la forêt. Nous avons pris un terrain dont une partie sera réservée à la forêt et l’autre partie servira à la production de manioc biologique. Dans la même veine, nous voulons transformer nos déchets et les réutiliser pour éviter de polluer l’environnement et contribuer davantage à la sécurité alimentaire en produisant beaucoup d’attiéké.

Faso Attieke veut contribuer à la création d’emplois pour les jeunes et les femmes en milieu rural

Votre dernier mot

Nous disons merci à l’équipe dynamique et bien engagée de Faso Attiéké qui travaille à produire de l’attiéké de qualité. Également, merci à tous les clients qui croient en nous et consomment Faso Attiéké, aux partenaires techniques et financiers, la coopérative qui organise les producteurs à Kyon, ThiaoetNabadgogo, l’ASTM, le partenaire historique, le Programme de Croissance Economique dans le Secteur Agricole (PCESA) qui nous a accompagné dans la structuration de l’entreprise à travers notre Facilitateur Sinergi Burkina, EFTPA/GIZ qui travaillent beaucoup avec nos femmes. Nos remerciements à Initiative Ouaga, les services Etatiques comme la DGPER, l’AFP/PME, l’APEX, la DGCCEV, les directions générales et provinciales de l’agriculture, de l’environnement, la promotion de la femme, et de la jeunesse du centre et du centre ouest, et aussi le Centre Régional de l’Agriculture du Centre.

Interview réalisée par Fernand Appia

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