Pour la première fois, le laboratoire Biosciences de l’Unité de Formation et de Recherche en Sciences de la Vie et de la Terre (UFR-SVT) de l’université Joseph KI-Zerbo a célébré la Journée internationale des Végétaux le 16 mai 2025. Placée sous le thème évocateur « Santé des plantes, santé de demain », cette activité a pris la forme d’une conférence publique, qui a réuni étudiants, enseignants, chercheurs et amoureux de la nature.
Dans une ambiance studieuse et engagée, plusieurs conférenciers ont partagé leur savoir et alerté sur l’importance de préserver la santé des plantes. Avant les différentes communications, Pr Bayala Balé, parrain de la l’activité, a dans son discours d’ouverture salué la tenue de cette conférence publique qui, explique-t-il, permettra une meilleure prise de conscience pour un avenir plus sain, et plus durable.
Tour à tour les conférenciers se sont succédés dans l’amphi SVT pour dérouler le contenu de leurs communications, devant un auditoire attentif et proactif. Abel Nana, enseignant chercheur à l’université Joseph Ki-Zerbo a fait savoir qu’en Afrique subsaharienne, l’agriculture représente 15 % du PIB moyen de la région. Il souligne qu’il y a malheureusement une pression croissante des bioagresseurs qui contribuent à réduire les rendements agricoles. Entendez par bioagresseurs, les ennemis des productions agricoles comme les ravageurs, les champignons, les virus. « Ils ont des effets sévères sur le rendement et la qualité des aliments », explique l’enseignant-chercheur qui cite une étude de 2019 montrant qu’en Afrique subsaharienne, les bioagresseurs ont causé d’importantes pertes de rendement : 31,3 % pour le maïs, 30,1 % pour le riz, etc.
Bioagresseurs, ces redoutables ennemis
Parmi ces bioagresseurs, il y a la chenille légionnaire d’automne. Apparu en 2017 au Burkina Faso, ce nuisible cause d’importants dégâts dans les champs. Un rapport du ministère de l’agriculture précise que « l’invasion sans précédent » de la chenille légionnaire d’automne a touché toutes les 13 régions du Burkina Faso, avec plus de 58 324 ha de cultures affectés. Les régions des Cascades, du Sud-Ouest et du Centre-Ouest, ajoute ce rapport, ont été les plus durement touchées avec respectivement 14 845 ha, 14 096 ha et 8 388 ha endommagés.
Sur la qualité des aliments, Abel Nana explique que les champignons toxicogènes contaminent plusieurs productions agricoles comme le maïs, l’arachide et affectent la sécurité alimentaire et humaine. Et pour combattre les bioagresseurs, a poursuivi le conférencier, des agriculteurs utilisent de façon incontrôlée des produits chimiques frauduleux qui produisent des conséquences souvent mortelles.
Petit rappel sur quelques décès liés aux produits chimiques. Entre le 1er et le 10 septembre 2019, dans les localités de Dydir et de Pouytenga, respectivement situées au Centre-Ouest et au Centre-Est du Burkina Faso, dix-huit personnes sont décédées après avoir consommé des aliments contaminés aux pesticides. De 2020 à 2021, 14 personnes ont encore trouvé la mort dans les mêmes conditions.
Ces poisons dans nos assiettes
A la suite de Abel Nana, Geoffroy Ouédraogo, enseignant chercheur à l’Institut de recherche en science de la santé, a présenté une communication sur les risques sanitaires liés aux mycotoxines, qui sont des toxines produites par certaines moisissures et qu’on peut retrouver dans la nourriture. Prenant le cas des aflatoxines, il souligne qu’elles peuvent causer, entres autres, des lésions hépatiques sévères et l’insuffisance rénale.
« L’aflatoxine peut causer le cancer du foie et peut entraîner des problèmes du foie et du système immunitaire », écrit Food Safety Experts dans un article publié sur leur site, dans lequel ce groupe d’experts en sécurité alimentaire détaille que « les expositions aiguës et chroniques aux aflatoxines sont plus susceptibles de se produire dans les pays en développement où des limites réglementaires moins strictes, de mauvaises pratiques agricoles dans la manipulation et le stockage des aliments, la malnutrition et la maladie sont des problèmes. »
Cet autre article, explique que l’aflatoxine est considérée comme un hépato-carcinogène majeur ou une cause de cancer du foie. « On estime que la consommation d’aliments contaminés par des aflatoxines est à l’origine de près de 25 % des cas de cancer du foie dans le monde. En outre, l’aflatoxine peut aggraver les problèmes de santé dus à l’hépatite B et au VIH-SIDA », développe-t-il.
Agriculture raisonnée, une voie pour l’avenir
Ingénieur pédologue et spécialiste de l’agriculture raisonnée, Christophe Ouédraogo est le troisième conférencier de cette Journée internationale des Végétaux placée sous le thème « Santé des plantes, santé de demain ». D’emblée, le représentant du Conseil national de l’Agriculture biologique au Burkina Faso à cette activité, a relevé que la santé des plantes impacte celle des hommes. Il poursuit en disant que, face aux multiples conséquences des produits chimiques, les producteurs agricoles doivent adopter des méthodes de lutte saines. « La lutte biologique est une solution pour préserver la santé », a-t-il dit, citant l’utilisation des parasitoïdes qui doit être vulgarisée auprès des agriculteurs.
Dans sa communication, Christophe Ouédraogo a aussi préconisé d’autres solutions contre les bioagresseurs comme la plasticulture, les biopesticides. Malheureusement, fait-il noter, il y a une faible adhésion des populations au changement de pratiques, une faible formation des producteurs aux bonnes pratiques.
Les participants, venus nombreux, ont apprécié les échanges. Ils ont souligné la pertinence du thème dans un contexte marqué par le changement climatique, la dégradation des sols et les maladies des cultures agricoles. « C’est un cadre de partage de connaissances. C’est vraiment important de parler de la santé des plantes car, de la santé des plantes dépend aussi la santé des humaines », a indiqué Yannick Bationo, participant.
Pour les organisateurs, cette activité est une réussite et un point de départ. Le laboratoire Biosciences souhaite en faire un rendez-vous régulier pour sensibiliser davantage la communauté universitaire et le grand public à l’importance des plantes dans nos vies.
Hadepte Da