PRODUCTION AGRICOLE : Gorba, le “fou” devenu un modèle à Mani

septembre 6th, 2019 | par afriktilgre@
PRODUCTION AGRICOLE : Gorba, le “fou” devenu un modèle à Mani
Agro-pastoral
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Boureima Gorba ( en boubou) est fier de montrer le fruit de sa ≪folie≫ au Ministre de l’Agriculture et des Aménagements Hydro-agricoles, Salifou Ouédraogo

Il y a dix ans, alors que les techniques de restauration des terres dégradées n’étaient pas bien connues par beaucoup de producteurs de Mani (commune de la province du Séno), Boureima Gorba a décidé d’enrichir sa parcelle par la méthode du zaï et de la demi-lune. Il est traité de fou par beaucoup qui estimaient qu’une personne normale ne s’adonnerait pas dans cette tâche aussi harassante que seules les machines peuvent accomplir. Aujourd’hui, il a donné vie à plusieurs hectares de terres incultes et le rendement de son champ s’est nettement accru. Le 27 juillet 2019, rencontre avec un producteur modèle qui inspire nombre de ses persifleurs d’hier

Malgré la fine pluie du matin, c’est sous un soleil qui tombe du ciel comme une pluie de feu que nous partons à Mani à la rencontre de Boureima Gorba, producteur « fou » qui, par la force des muscles, a transformé 4,5hectares de terre aride pour en faire son gagne-pain. Il est 10h 50 lorsque la bourgade nous ouvre ses portes après 36 kilomètres de route depuis la capitale de la région du Sahel. Le goudron terminé, il faut suivre une piste sablonneuse et serpentée qui mène au champ.  De part et d’autre, une impressionnante clairière. Derrières les quelques arbres épineux, caractéristiques des zones semi arides et arides, se dissimulent de jolies cases disséminées çà et là. On ne finit pas de savourer du regard le magnifique paysage de steppe que jailli au loin, aux versants des collines, une grande superficie de champs. C’est l’exploitation de Boureima Gorba qui s’offre à nous, petit à petit. Le sexagénaire est coiffé d’un bonnet blanc, a une barbe grisonnante, et est arrêté à la lisière du champ, fier de faire découvrir son champ, fruit d’un dur labeur. 

Notre interlocuteur associe agriculture et élevage, mais c’est dans la première activité citée qu’il se distingue le plus. Il a une ferme de 4, 5 hectares qu’il exploite aujourd’hui grâce à deux techniques agricoles de récupération des terres dégradées : le zaï et la demi-lune. La première est une technique de restauration qui permet d’introduire les cultures dans des micro cuvettes. Les dimensions des cuvettes varient en fonction de la nature du sol (en moyenne 20 à 30 cm de diamètre et 10 à 15 cm de profondeur). La demi-lune, elle, est une technique visant à déblayer la terre de bassins de quelques mètres, pour former des cuvettes en formes de demi-lunes. Elle est surtout employée dans les terrains qui ont une inclination et qui ont un climat aride ou semi-aride. La méthode permet de concentrer les eaux de pluie, réduire le ruissellement et pour cultiver sur des terres encroûtées etc.

Vue d’un modèle de la demi-lune

Grâce à ces deux méthodes traditionnelles, aujourd’hui répandues, 4,5 hectares de terres incultes ont été enrichies par la détermination de Boureima Gorba, aidé de ses enfants. Respectant les itinéraires techniques agricoles, les spéculations de saison pluvieuse (mil, niébé, sorgho etc.) présentent une bonne physionomie et certaines cultures sont au stade de floraison. Pour se parer aux caprices de la pluie, l’agriculteur a même construit un bouli, mot technique utilisé par les agronomes pour designer un point d’eau obtenu à partir de l’excavation d’un autre existant.

Le ministre de l’Agriculture et des Aménagements hydro-agricoles, Salifou Ouédraogo, qui était à la ferme dans le cadre de suivi de la campagne agricole est séduit par ce qu’il a vu et invite les autres paysans du Sahel à emboiter le pas de ce producteur modèle. « Le Sahel peut nourrir le Burkina Faso avec un producteur comme Ousmane Gorba. Il doit être une source d’inspiration », s’exclame le ministre de l’Agriculture, invitant aussi les travailleurs de la terre des autres localités du pays où la terre est aride à emboiter le pas du fermier de Mani.

Champ de niebe obtenu grâce aux techniques de récupérations des terres dégradées

Si aujourd’hui les 17 000 trous creusés et entretenus par la seule force des muscles permettent à toute sorte de spéculations de pousser, au début le producteur a été confronté aux railleries des villageois qui le traitaient de fou. « Il ya dix ans que je suis venu ici.  A l’époque, c’était un terrain totalement nu qui ne favorise pas l’agriculture. Après une formation, j’ai entrepris de restaurer cette terre dégradée par la méthode du Zai et de la demi-lune. ≪ Les gens me traitaient de fou, estimant que quelqu’un qui jouit de toutes ses facultés mentales ne va pas perdre son temps dans un travail que seules les machines peuvent faire », se souvient Ousmane Gorba, sourire aux lèvres. En dépit du caractère harassant du travail, reconnait-il, Gorba ne s’est pas resigné.  Il était convaincu que le succès sera au bout de l’effort. Par la seule force des muscles, des milliers de cuvettes ont poussé comme des champignons après l’orage.  Sa peine n’est pas finie. Quand son travail a commencé à porter ses fruits, belle allure du champ et meilleure récolte, il se murmurait même qu’il a « bouffé » wack. « Je leur dit que mon wack, c’est la restauration des sols », se contentait-il de répondre. Aujourd’hui, fini le temps des quolibets. Beaucoup de ses détracteurs d’hier se sont mis dans la technique de récupération des sols dégradés. A 65 ans, Ousmane Gorba, le précurseur de la méthode de Zai et de la demi-lune de sa localité, n’a plus la même force des muscles. La dynamique de son travail a diminué.  Néanmoins, il est fier d’avoir contribué à changer positivement la mentalité de beaucoup de producteurs. Il invite tous les producteurs encore réfractaires à se jeter à l’eau car, la technique agricole permet d’accroitre la production.  Le sexagénaire souhaite aussi bénéficier d’un appui pour agrandir son bouli et acheter des matériels d’irrigation.

Hadepté Da

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